Lucienne contre Nicolas
Promis, elle arrête. C’est son dernier mandat. Le quatrième depuis 1983. À 65 ans, Lucienne Buton veut passer la main. Chef de file de l’opposition socialiste à la mairie de Neuilly depuis plus de 20 ans, cette septuagénaire a déjà annoncé qu’elle ne se représenterait pas. Aux dernières municipales, elle a pourtant hissé le score du PS à près de 14%, contre 8% à son arrivée. Une progression non négligeable, dans une des communes de France les plus « verrouillées » sociologiquement.
Lorsque Lucienne Buton, fille d’ouvrier agricole, s’installe par hasard à Neuilly dans les années 1970, c’est le choc. « Débarquer à 35 ans dans une commune ultra bourgeoise…, j’étais très mal à l’aise. » En 1975, elle rejoint alors le tout jeune PS de François Mitterrand, pour dire que « dans cette ville, il y a des choses qui ne vont pas ». Poussée par Jacques Delors, elle se porte candidate en 1983 contre le maire UDF sortant, Achille Peretti, qui succombera quelques semaines après son élection. Un jeune conseiller municipal joue alors des coudes pour accéder au trône : Nicolas Sarkozy. La mairie bascule aux mains du RPR.
Le premier mandat est féroce. Toute voix discordante est honnie. « Sarkozy devait faire sa place, il ne supportait pas l’opposition, même à 8%. Quiconque le contestait était mis au pilori », se souvient Lucienne. Sur le terrain, les marchés sont difficiles. « Dans la rue, les gens changeaient de trottoir quand ils me voyaient, c’était très pénible à vivre. »
Le nouveau maire prend de l’assurance. Au point même de ne plus faire campagne. Une lettre à ses administrés, quelques réunions d’appartements, « le terrain était laissé vacant, alors nous l’occupions », explique Lucienne. Au conseil municipal, le PS se fixe deux priorités : le logement et la petite enfance. « Ces thèmes n’avaient aucune importance pour eux. Mais moi je voyais des gens quitter la ville, des mères ne pas pouvoir faire garder leurs enfants, des situations sociales dont la mairie se fichait totalement. » Face à celui qui lui répond un jour qu’« habiter à Neuilly, ça se mérite », Lucienne oppose alors toute son énergie militante. « C’était dur, mais quand je doutais, je pensais aux 5.000 électeurs que je représentais. » Autour d’elle, Lucienne peut aussi compter sur « un groupe soudé de camarades » et une vie professionnelle militante, depuis l’action catholique féminine jusqu’à Témoignage chrétien. « D’autres terrains d’action qui m’ont permis de tenir, ici, à Neuilly. »
Luc Peillon
article paru dans L'hebdo des socialistes
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