Le Nouvel Observateur a publié, jeudi 1er mars, un texte signé
par plus de 150 intellectuels qui appellent à voter pour Ségolène
Royal, "contre une droite d’arrogance", pour "une gauche d’espérance".
"Le 22 avril, il sera trop tard. Trop tard pour
déplorer notre dispersion. Trop tard pour regretter notre inaction.
Trop tard pour s’apercevoir que l’élection présidentielle s’est faite
sans nous, malgré nous.
Nous refusons cette défaite trop souvent annoncée. Nous
n’admettons pas que l’on vote à notre place. Nous n’acceptons pas que
des sondages fabriquent une élection. Et nous ne tomberons pas dans le
piège tendu par cette droite qui domine ou influence la plupart de nos
grands médias. Car tout est fait, dans cette campagne, pour démobiliser
la gauche et désespérer ses électeurs. Rien n’est épargné à Ségolène
Royal. Ses déclarations comme ses silences, son entourage comme son
compagnon, sa simplicité comme sa franchise, sa féminité comme sa
fermeté : tout est prétexte en face à caricature et à moquerie. Tout
est bon pour alimenter le mépris social et le dédain sexiste.
Qu’elle prenne le temps d’écouter les Français, et on
la soupçonne de n’avoir rien à dire. Qu’elle annonce longuement son
pacte présidentiel, et la question du chiffrage vient opportunément
occulter le détail de ses engagements. Qu’elle-même ou son entourage
soient victimes de procédés de basse police, et on préfère retenir
l’air de la calomnie plutôt que de s’alarmer pour la démocratie.
Qu’elle assume son identité de socialiste, et on lui reproche de se
plier à un appareil. Qu’elle revendique sa part de liberté, et on
l’accuse de se méfier de sa famille. Qu’elle réussisse un meeting
électoral ou une émission télévisée, et on lui oppose immédiatement des
enquêtes d’opinion aussi fluctuantes qu’incertaines.
Nous ne nous laisserons pas intimider. Dès le premier
tour, nous voterons pour Ségolène Royal et nous appelons à faire de
même, à le faire savoir et à faire campagne. Car nous voulons que,
cette fois, la gauche gagne. Nous parions sur cette gauche plus
exigeante avec elle-même et plus à l’écoute des siens, qui a appris de
ses échecs, de ses illusions et de ses divisions, une gauche ambitieuse
et audacieuse. Et nous savons que ce n’est pas n’importe quelle droite
qui risque de l’emporter.
Jamais candidat de droite n’aura à ce point symbolisé
la régression sociale. Nicolas Sarkozy est, tout à la fois, le candidat
du pouvoir financier, du pouvoir personnel et du désordre mondial.
Soutenu par la nouvelle aristocratie financière, il incarne la
soumission de la politique à l’argent. Favorable à un renforcement des
pouvoirs présidentiels, il incarne la tentation du césarisme contre
l’approfondissement de la démocratie. Engagé aux côtés de l’actuelle
administration américaine, il incarne le risque des aventures
impériales, du choc des cultures et de l’affrontement des peuples. C’est le candidat de la
peur. Des peurs qu’il exploite – celles de l’avenir, du monde, de
l’étranger, des jeunes – mais aussi des peurs qu’il inspire en
convoquant l’imaginaire de l’homme fort, du chef vindicatif et exalté,
épris du pouvoir et de lui-même.
Contre ce danger, Ségolène Royal est la candidate de
l’espérance. Elle l’a fait naître en défendant une démocratie
participative où les citoyens sont reconnus experts de leurs problèmes.
Une espérance à la fois sociale et écologique, éthique et démocratique,
française et européenne, ne sacrifiant pas les conditions de vie et de
travail à la modernisation économique. L’espérance d’une république
nouvelle, rompant avec un présidentialisme étouffant pour un
parlementarisme vivant. L’espérance d’une démocratie qui ne se
réduirait plus à un pouvoir personnel, avec ses courtisaneries, ses
impunités et ses privilèges. L’espérance d’une France enfin réconciliée
avec son peuple, ses quartiers, ses travailleurs et sa jeunesse dans sa
diversité.
Mais l’indifférence peut tuer l’espérance. Depuis 2002,
nous sommes prévenus, et nous n’avons plus d’excuse. Nous savons que
cette élection sera ce que nous en ferons. Il n’est plus temps de se
faire plaisir, en perdant de vue l’enjeu décisif. Nous affirmons qu’il
n’est de soutien entier que critique, de loyauté que lucide, de
solidarité qu’indépendante, et nous resterons fidèles à cet engagement.
Nous disons aussi que le second tour se joue dès le premier tour.
Cette élection n’est pas ordinaire et elle engage, à
travers le sort de la France, un peu de l’avenir du monde. C’est
pourquoi, contre une droite d’arrogance, nous appelons à choisir, dès
le 22 avril, une gauche d’espérance, en votant Ségolène Royal."
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